La TVA - un risque fiscal couteux pour les médecins

La TVA - un risque fiscal couteux pour les médecins

 

Par Me Sassi, avocat fiscaliste à Paris 17e (www.sassi-avocats.com)

 

 

Pendant longtemps, les médecins ne sont pas sentis concernés par la TVA dans la mesure où une très grande partie de leur activité était exonérée de TVA.

 

Depuis 2013, le champ d’application de la TVA aux activités médicales s’est trouvé considérablement élargi sans que de nombreux médecins ne prennent la mesure des modifications défavorables aux médecins apportées par la jurisprudence.

 

C’est la raison pour laquelle de nombreux médecins se retrouvent désormais à gérer les conséquences d’un contrôle fiscal portant notamment sur la TVA collectée découlant de leur activité.

 

 

Quel est Le champ d’application de la TVA aux actes de médecine et de chirurgie esthétique

 

 

Sur le plan des principes, il existe en matière médicale un régime particulier de TVA visant à exonérer les prestations rendues par les médecins dans le cadre de leur activité professionnelle.

 

Ce régime découle d’une directive communautaire et plus particulièrement de  l'article 132-1-c de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 aux termes de laquelle sont exonérées de TVA :

 

« Les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l'exercice des professions médicales et paramédicales telles qu'elles sont définies par l'État membre concerné ».

 

Cette disposition de la directive communautaire a été transposée au 1° du 4 de l'article 261 du CGI selon lequel les soins dispensés aux personnes, notamment par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées, sont exonérés de TVA.

 

L’article 261 du Code Général des Impôts dispose ainsi que :

 

« Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée :

 

4. (Professions libérales et activités diverses) :

 

1° Les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées, par les praticiens autorisés à faire usage légalement du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur et par les psychologues, psychanalystes et psychothérapeutes titulaires d'un des diplômes requis, à la date de sa délivrance, pour être recruté comme psychologue dans la fonction publique hospitalière ainsi que les travaux d'analyse de biologie médicale et les fournitures de prothèses dentaires par les dentistes et les prothésistes ;

 

…. »

 

Il ressort ainsi des termes du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts (CGI) que les prestations de soins à la personne, c'est-à-dire toutes les prestations qui concourent à l'établissement des diagnostics médicaux ou au traitement des maladies humaines, sont exonérées de TVA.

 

Deux conditions sont toutefois nécessaires pour que le régime d’exonération de TVA puisse s’appliquer, à savoir :

 

  • Une condition tenant à la qualification du praticien
  • Une condition tenant à la nature des prestations délivrées

 

Sur la qualification tenant à la qualification du praticien

 

S'agissant de la condition tenant à la qualification du praticien, les dispositions légales précisent que seuls les membres des professions médicales et paramédicales réglementées par une disposition législative ou par un texte pris en application d'une telle disposition sont susceptibles d'entrer dans le champ de cette exonération.

 

Il s'agit essentiellement des professions visées dans la quatrième partie du code de la santé publique (CSP), mais également de professions qui, bien que non visées par ces dispositions, fournissent des prestations reconnues comme de qualité identique qui doivent à ce titre, bénéficier également de l'exonération.

 

Sur la qualification tenant à la nature des soins

 

Concernant la condition tenant à la nature des soins, la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE), dans des arrêts du 20 novembre 2003, (CJCE, 20 novembre 2003, aff. C-307/01 Peter d'Ambrumenil et CJCE, 20 novembre 2003, C-212/01 Margarete Unterpertinger) a précisé ce qu’il fallait entendre par la qualification tenant à la nature des soins au regard de l'article 132-1-c de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006.

 

Ainsi, et selon la Cour de Justice des Communautés Européennes :

 

« Seules les prestations à finalité thérapeutique, entendues comme celles menées dans le but de prévenir, de diagnostiquer, de soigner et, dans la mesure du possible, de guérir des maladies ou anomalies de santé sont susceptibles de bénéficier de l'exonération de TVA ».

 

La notion de prestations de soins à la personne vise ainsi les prestations ayant pour but de diagnostiquer, de soigner et, dans la mesure du possible, de guérir des maladies ou des anomalies de santé (CJUE 10 juin 2010, n° 86/09), à condition que l'usage thérapeutique ultérieur de certaines opérations menées en amont ne soit pas purement éventuel ou incertain.

 

La Cour de justice de l'Union européenne considère donc que les opérations de chirurgie esthétique et des traitements à vocation esthétique relèvent des notions de soins médicaux et de soins à la personne au sens de la réglementation communautaire lorsque ces prestations ont pour but de diagnostiquer, de soigner ou de guérir des maladies ou des anomalies de santé ou de protéger, de maintenir ou de rétablir la santé des personnes.

 

Ainsi et par exemple, les actes de médecine et de chirurgie esthétique dispensés à la suite d'une maladie, d'une blessure ou d'un handicap physique ou congénital, nécessitant une telle intervention, poursuivent une finalité thérapeutique et doivent, dès lors, être regardés comme des soins à la personne exonérés de TVA (CJUE 21 mars 2013, n° 91/12).

 

C’est donc sur la base de ces principes de droit communautaire que la France est censé définir sa position en droit interne et c’est en l’occurrence le Conseil d’état qui s’en est chargé … mais dan un sens particulièrement défavorable aux médecins.

 

La position défavorable aux médecins prise par le Conseil d’état

 

Dans un arrêt très important en date du 5 juillet 2013, le Conseil d’état a pris une position très tranchée qui conduit à sensiblement élargir le champ d’application de la TVA applicable en matière médicale.

 

En substance, le Conseil d’état estime désormais que toutes les sommes perçues par les médecins dont l’origine ne serait pas un versement de la Sécurité Sociale (versement Snir) constitueraient nécessairement des recettes soumises à la TVA.

 

Cet arrêt du Conseil d’état du 5 juillet 2013 est donc un revirement très nettement en défaveur des médecins puisqu’il permet ainsi à l’administration fiscale de nier toute dimension thérapeutique aux actes médicaux qui ne seraient pas remboursés par la sécurité sociale.

 

Or, le critère du remboursement d'actes médicaux par l'assurance maladie a pendant longtemps été rejeté par le juge de l'impôt comme un critère pertinent justifiant l'exonération des actes médicaux (CAA Nantes 7 octobre 1992, n° 91NT00296 ; CE 15 février 1999, nos 176931 et 176932) ce qui à notre sens démontre le caractère contestable de la position actuelle du Conseil d’état et de l’administration fiscale.

 

Il nous semble également que la position du Conseil d’état diverge de la position de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne qui de son coté exclue du champ d’exonération de TVA que les actes à visée purement esthétique.

 

Par voie de conséquence, et à notre sens, les actes qui ont une dimension thérapeutique, et ce quelle que soit la portée esthétique qu’ils peuvent avoir par ailleurs, ne doivent pas entrer dans le champs d’application de la TVA puisqu’il en sont exonérés tant sur la base de l'article 132-1-c) de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 que de l’article 261 4° du Code Général des Impôt.

 

La notion de finalité thérapeutique est donc le critère discriminant contrairement au critère du remboursement ou non par la sécurité sociale ou à celui relatif à la portée esthétique d’une intervention.

 

D’ailleurs, il n’est inutile de rappeler que dans une décision de rescrit du 10 avril 2012 (donc antérieur à l’arrêt du Conseil d’état du 5 juillet 2013), l’Administration avait précisé que compte tenu de la finalité thérapeutique que doivent présenter les soins prodigués à une personne pour bénéficier de l’exonération de TVA prévue par l’article 261, 4, 1° du CGI, les actes de médecine purement esthétique, non pris en charge par la sécurité sociale, ne peuvent pas être exonérés de TVA.

 

Cela signifiait, à contrario, qu’un acte thérapeutique qui avait une portée esthétique était nécessairement exonéré du champ d’application de la TVA puisqu’il s’agissait d’une prestation de soins rendue aux personnes.

 

La notion de « prestations de soins aux personnes » est ainsi fondamentale dès lors que toute autre prestation, même exécutée par un médecin, ne bénéficie pas de l’exonération.

 

Aussi, il n’est pas inutile de rappeler que l’Administration avait également précisé à cet égard, toujours avant l’arrêt du Conseil d’état du 5 juillet 2013, que les prestations de soins aux personnes se définissaient comme :

 

« toutes les prestations qui concourent à l’établissement des diagnostics médicaux ou au traitement des maladies humaines»

 

(Doc. adm. 3A-3121, § 1, 20 oct. 1999).

 

En outre, et d’une manière plus précise, il est intéressant de noter que la Cour de justice de l’Union européenne a, au fur et à mesure de ses décisions, précisé que ces prestations devaient s’entendre des seules prestations de soins ayant une finalité thérapeutique.

 

Selon la Cour, il s’agit des prestations menées dans le but de prévenir, de diagnostiquer, de soigner et, dans la mesure du possible, de guérir des maladies ou anomalies de santé.

 

En l’occurrence, la position actuelle de l’administration fiscale qui se base uniquement sur la notion de remboursement par la sécurité sociale est nécessairement réductrice et impropre à définir en toute circonstance la finalité thérapeutique d’un acte médical.

 

 

Il nous semble donc que la positon actuelle de l’administration fiscale est contestable au regard des dispositions de l'article 132-1-c) de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, et d’autre part des termes de l’article 261 – 4° du Code Général des Impôts.

 

En effet, cette position est particulièrement réductrice dans la mesure où le critère du remboursement par la sécurité sociale est un indicateur clairement insuffisant pour déterminer du caractère thérapeutique d’un acte médical ou non.

 

 

La Tva, un risque réel et couteux pour les médecins

 

Comme vous pouvez l’imaginez, l’administration fiscale a, bien entendu, repris à son compte, la position du Conseil d’état dans la mesure où cela lui permet d’engager de nombreux contrôles fiscaux sur le terrain de la TVA qui est impôt particulièrement rentable, puisque représentant 20 % du chiffre d’affaires des actes médicaux non remboursés par la Sécurité sociale.

 

Compte tenu des enjeux financiers et des questions de principe posés, il est fondamental que les contribuables défendent leurs légitimes positions.

 

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Quelle que soit le type de contrôle fiscal et le type de procédure, il est toujours fondamental que le contribuable soit efficacement assisté par un conseil ayant une longue pratique de ce type de contentieux, très technique.

 

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Publié le 28/09/2017

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