Taxe 2026 sur les holding patrimoniale

Projet de loi de finances 2026 : la taxe sur les holdings patrimoniales, une réforme symbolique mais risquée
Le projet de loi de finances pour 2026 introduit une mesure inédite : la création d’une taxe sur les holdings patrimoniales, c’est-à-dire les sociétés qui détiennent des actifs financiers et capitalisent des revenus sans les distribuer.
Inspirée de l’article 123 bis du Code général des impôts, historiquement destiné à lutter contre les structures situées dans des paradis fiscaux, cette taxe vise à imposer la quote-part des bénéfices non distribués détenus au sein de holdings françaises.
L’intention du gouvernement est claire : restaurer la progressivité de l’impôt en ciblant les montages qui permettent aux ménages les plus fortunés de différer, voire d’éviter, l’imposition de leurs revenus personnels. Mais derrière cette logique de justice fiscale se cache un dispositif juridiquement fragile et économiquement contestable.
Qu’est-ce qu’une holding ?
Une holding est une société dont l’objet principal est de détenir des participations dans d’autres sociétés. Elle ne produit pas directement des biens ou des services, mais elle contrôle, finance et administre des filiales.
On distingue deux grandes catégories :
· Les holdings animatrices, qui jouent un rôle actif dans la gestion de leurs filiales. Elles participent à la stratégie, centralisent la trésorerie, gèrent la communication ou les services communs. Ces sociétés sont assimilées à des entreprises opérationnelles et bénéficient souvent de régimes fiscaux favorables, notamment pour le pacte Dutreil.
· Les holdings patrimoniales passives, qui se contentent de gérer des portefeuilles financiers et de percevoir des revenus (dividendes, plus-values, produits de placement). Ce sont elles qui sont directement visées par le projet de loi.
Cette distinction, en apparence simple, est en pratique souvent floue. La jurisprudence a déjà eu à trancher de nombreux litiges pour déterminer si une société avait une véritable activité d’animation ou se limitait à la gestion d’actifs. Or, la nouvelle taxe risque de relancer cette insécurité juridique, en obligeant à qualifier finement la nature de chaque holding.
Le cœur du dispositif : taxer les revenus « thésaurisés »
L’objectif affiché est de taxer les revenus accumulés dans les holdings sans être distribués à leurs associés.
Ces bénéfices « thésaurisés » échappent en effet à l’impôt sur le revenu tant qu’ils restent dans la société. Le gouvernement considère qu’ils traduisent une capacité contributive différée des ménages les plus fortunés, contournant la progressivité du système fiscal.
Ce mécanisme s’inspire clairement de l’article 123 bis du CGI, qui permet déjà à l’administration d’imposer les revenus d’une société étrangère contrôlée par un résident français, lorsque cette société est située dans un pays à fiscalité privilégiée et qu’elle accumule des profits non distribués.
La différence est majeure : le dispositif de 2026 ne vise plus seulement l’international, mais s’applique aux structures françaises elles-mêmes.
Autrement dit, le principe d’imposition des revenus non distribués, historiquement réservé à la lutte contre l’évasion fiscale, deviendrait une règle domestique générale, frappant aussi les holdings établies en France.
Un seuil de 30 % juridiquement discutable
Le texte prévoit que la taxe s’appliquera aux holdings dans lesquelles une personne physique, ou un cercle familial, détient au moins 30 % des droits sociaux.
Ce seuil est censé matérialiser un pouvoir de décision sur la distribution des bénéfices.
Mais dans les faits, détenir 30 % d’une société ne confère pas le contrôle des décisions collectives, souvent prises à la majorité absolue (50 %) ou plus dans certains cas.
Conséquence : un associé minoritaire pourrait être imposé sur des bénéfices qu’il ne perçoit pas et sur lesquels il n’a aucun pouvoir de distribution.
Cela contrevient à la notion constitutionnelle de revenu effectivement encaissé, qui découle de l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : l’impôt doit être proportionné à la capacité contributive réelle.
Taxer des revenus non distribués revient à imposer un revenu potentiel, non encore réalisé, ce qui pourrait poser un problème de constitutionnalité si la mesure n’est pas finement calibrée avec un mécanisme de plafonnement corrélé aux revenus réellement encaissés. Cela réduira encore le potentielle de recettes fiscale.
Le risque d’une fiscalité sur des revenus fictifs
Un autre effet pervers serait de créer une double imposition :
d’une part, la société est déjà soumise à l’impôt sur les sociétés ; d’autre part, l’associé serait imposé sur une quote-part de bénéfices qu’il n’a pas reçus.
Dans certains cas, le contribuable pourrait même payer plus d’impôt que ce qu’il perçoit réellement, s’il ne reçoit aucun dividende.
Cette situation pose aussi des problèmes techniques :
· Que se passera-t-il si la société distribue des dividendes deux ou trois, dix ans plus tard ou jamais car la trésorerie a été utilisé dans des projets non rentables ?
· L’impôt déjà acquitté sera-t-il imputable ?
· Et en cas de donation ou de succession, la trésorerie déjà taxée augmentera-t-elle la valeur des titres soumis aux droits ?
Sans réponse claire, ces mécanismes risquent de générer de lourds contentieux.
Le mythe de la holding de luxe
Le débat public caricature souvent la holding comme une structure d’évasion où se cachent yachts, jets privés et villas.
En réalité, ces cas sont rares et marginaux.
Le droit fiscal encadre strictement l’usage privé des biens sociaux que ce soit un véhicule, un appartement ou un bateau appartenant à une société mais utilisé à titre personnel.
De plus, il est fondamental d’insister sur le fait que certains investissements dans des biens dits « de prestige » ont une finalité économique réelle :
· Un groupe de luxe acquérant un hôtel particulier ou un château le fait souvent pour organiser des événements, des tournages ou des défilés.
·
Quant aux avions ou yachts, ils sont fréquemment loués à des tiers ou intégrés à des activités commerciales pour des sociétés multinationales implantées en France.
est déjà imposé comme avantage en nature. A défaut, des rectifications fiscales sont encourues, outre un risque pénal sérieux sur le terrain de l’abus de biens social et du blanchiment de fraude fiscale lorsque les enjeux financiers sont significatifs.
L’administration fiscale surveille déjà ces usages avec rigueur, et les sanctions pour abus de biens sociaux ou blanchement de fraude fiscale existent sont loin d’être théorique.
Faire de ces cas marginaux le symbole d’un système entier relève davantage du discours politique que de la réalité économique.
Une confusion entre épargne et dissimulation
Le cœur du dispositif repose sur l’idée que les revenus « épargnés » dans les holdings sont une forme d’évasion.
Pourtant, dans la majorité des cas, ces sommes ont vocation à être réinvesties : achat d’une nouvelle filiale, développement international, investissement immobilier professionnel.
Entre le moment où le bénéfice est réalisé et celui où il est réutilisé, la trésorerie peut rester en attente plusieurs mois, voire années.
· Faut-il alors fixer un délai maximal de conservation ? Un ou deux ans ?
· Et quel seuil de trésorerie sera jugé excessif ? 50 %, 60 % des actifs ?
Sans critères précis, la mesure risque de pénaliser les entreprises prudentes, qui préfèrent sécuriser leur croissance plutôt que de distribuer immédiatement.
Cette confusion entre épargne productive et thésaurisation abusive traduit une vision court-termiste de la fiscalité. Elle pourrait, paradoxalement, freiner l’investissement, au moment où la France cherche à renforcer son tissu entrepreneurial.
Un précédent dans la fiscalité internationale
Le régime envisagé reprend la logique de l’article 123 bis du CGI, dispositif de lutte contre la fiscalité dommageable reconnu par l’OCDE.
Il permet déjà d’imposer en France la quote-part de revenus non distribués de sociétés étrangères contrôlées par des résidents français, lorsqu’elles sont situées dans des territoires à fiscalité privilégiée.
Transposer cette logique à des sociétés françaises revient à assimiler les holdings domestiques à des structures offshore, ce qui soulève un problème d’image et de cohérence.
Ce renversement de logique pourrait affecter la compétitivité et l’attractivité du territoire.
Des conséquences économiques prévisibles
Le gouvernement espère 1,5 milliard d’euros de recettes la première année, mais cette manne pourrait être non récurrente.
Les contribuables adapteront leurs comportements :
· Les filiales cesseront de distribuer des dividendes,
· Les bénéfices seront réinvestis dans des actifs à plus long terme,
Au-delà du rendement budgétaire, le message envoyé aux entrepreneurs est préoccupant :
On pénalise la capitalisation au moment même où l’on réclame davantage d’investissement dans l’économie réelle.
La mesure pourrait aussi renforcer la fuite des talents et des capitaux, déjà observée parmi les diplômés des grandes écoles et jeunes dirigeants cherchant un environnement fiscal plus stable.
Entre justice fiscale et risque constitutionnel
La taxe sur les holdings patrimoniales se veut un instrument de justice sociale : faire contribuer davantage ceux qui détiennent une épargne importante.
Mais en brouillant la frontière entre revenu disponible et revenu latent, elle risque de saper les fondements mêmes du droit fiscal français.
Le Conseil constitutionnel a toujours rappelé que l’impôt doit être fondé sur une capacité contributive réelle ;
Le Conseil d’État a, de son côté, affirmé qu’un revenu n’est imposable que s’il est « effectivement acquis ou mis à disposition du contribuable ».
En s’écartant de ces principes, le projet s’expose à une censure constitutionnelle.
Conclusion - une mesure symbolique, mais économiquement contre-productive
Présentée comme une réponse aux montages des grandes fortunes, la taxe sur les holdings patrimoniales risque, dans les faits, de toucher principalement les dirigeants de PME et les familles d’entrepreneurs qui utilisent ces structures pour gérer et développer leurs entreprises.
Les véritables montages d’évasion fiscale internationaux sont déjà visés par les dispositifs existants : article 123 bis du CGI,
* * * * * * * *
Notre cabinet d'avocats fiscalistes et d'avocats d’affaires est spécialisé depuis 20 ans dans le conseil aux entreprises en droit fiscal, droit des affaires et droit pénal des affaires.
Nos avocats interviennent :
- Dans tous les aspects juridiques, judiciaires et fiscaux de la vie des entreprises, que ce soit à l’occasion d’opérations courantes (rédaction de contrats, assistance juridique, création de sociétés, modifications de statuts etc.) que dans le cadre d’opérations plus complexes (Création de holding, apport de titres, Achat ou vente de sociétés ou de fonds de commerce, restructuration par voie d’apport de titres, de fusion ou d’apport partiel d’actif, audit juridique, audit fiscal, optimisation fiscale etc.).
· En matière de fiscalité française et de fiscalité internationale, ainsi qu’en matière de contrôle fiscal, de contentieux fiscal, et de régularisation de compte bancaire détenu à l’étranger y compris dans le cadre de procédure d’urgence (enquête fiscale, droit de visite et de saisie, perquisition fiscale, flagrance fiscale, etc.) et/ou de fraude fiscale, blanchiment de fraude fiscale, abus de bien social, etc.
Cette longue pratique du droit des affaires et de la fiscalité et du droit des affaires nous a permis d’établir une solide réputation comme en témoigne les nombreuses interventions de Me Sassi dans plusieurs médias réputés (Les Echos, l’Expansion, L’Entreprise et BFM Radio).
N’hésitez pas à nous contacter pour toute information et/ou demande d’intervention sur toute la France (Dom Tom compris ainsi qu’à l’étranger :
Contact : Sassi Société d’Avocats
Me Sassi, avocat fiscaliste
32 avenue Carnot – Paris 17e
Tel 01.42.84.13.13
Tel 06.09.91.62.07
Article pouvant vous intéresser :
· Comptes en Suisse – Les clients de l’UBS sont-ils particulièrement visés ?
· Des documents volés peuvent-ils servir de base à un redressement fiscal ?
· Contrôle fiscal des sociétés offshore
· Contrôle fiscal - Régularisation des comptes à l'étranger
· Controle fiscal - Les armes de l'Administration
· Des documents volés peuvent-ils servir de base à un redressement fiscal ?
· Régularisation compte à l’étranger
· Contrôle fiscal - Redressement fiscal - documents volés
· Redressement fiscal et procédure de controle fiscal
· Personnes et fortunes imposables à l'ISF
· Perquisition fiscale - Pourquoi moi ?
· Une dénonciation peut-elle déboucher sur un contrôle fiscal
· Dénonciation fiscale - Entre mythe et surtout réalité
· Contrôle fiscal – Le fisc peut désormais utiliser des informations et des documents volés
· Controle fiscal - Quel est le délai de prescription en cas d'agissements frauduleux ?
· D’où viennent les informations du fisc pour lutter contre la fraude fiscale ?
· Enquête fiscale et droit de visite et saisie
· Comptes bancaires détenus à l’étranger – Quelles sont vos obligations fiscales ?
· Contrôle fiscal - 10 vices de procédure qui peuvent annuler un redressement fiscal !
· Compte bancaire au Liban et échange automatique d’information – Quelle est la position du Liban ?

Commentaires
Soyez le premier à commenter cette publication